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Incursion dans l’atelier de Carcajou Games, là où le jeu vidéo se fait à la main

Deux personnages dans un décor forestier dans un jeu vidéo.

Les contes s'entremêlent dans le jeu « Once a Tale », dont le point de départ est Hansel et Gretel.

Photo : Carcajou Games

Dans le jeu vidéo Once a Tale, lancé ces jours-ci sur la plateforme de jeux Steam, presque chaque élément a d’abord été fabriqué à la main par Vincent Presseau, le directeur du studio indépendant Carcajou Games. Ce passionné à la créativité débordante a ouvert les portes de son atelier à Radio-Canada.

Essuie-tout par-ci, peinture, colle et pinceaux par-là, et quelques ordinateurs… L’atelier de Carcajou Games, situé à Châteauguay, en Montérégie, a des allures de classe d’art plastique. Je n’ai rien inventé, répète Vincent Presseau, d’une humilité sincère, devant ses tablettes remplies de petites marionnettes, d’arbres en papier mâché et de dizaines d’autres éléments de décor miniatures.

Un homme prend la pose devant des tablettes remplies d'objets miniatures et d'accessoires de bricolage.

Après avoir participé à plusieurs concours et réussi à obtenir un peu de financement, notamment grâce à un partenariat avec le studio Triple Boris, l’équipe de Carcajou compte aujourd’hui cinq membres.

Photo : Radio-Canada / Denis Wong

Le jeu vidéo Once a Tale, inspiré de Hansel et Gretel et d’autres contes de fées, est une véritable pièce d’artisanat. Même la méthode de capture en photogrammétrie, qui permet de numériser des objets en 3D, est faite maison.

Dans une pièce du studio de Carcajou Games, une boîte à lumière dans laquelle est placée une Lazy Susan, une petite table pivotante en bois, sert de petit studio. C’est sur celle-ci, marquée tous les cinq degrés, que Vincent Presseau place chacun des morceaux que l'on trouve dans le jeu. À moins d’un mètre de là, une caméra placée sur un trépied photographie ces objets sous tous les angles.

Un homme pointe vers une Lazy Susan dans une boîte lumineuse, avec un petit arbre placé dedans.

Vincent Presseau change l'angle de l'objet cinq degrés à la fois en faisant tourner la Lazy Susan.

Photo : Radio-Canada / Denis Wong

Chaque morceau a nécessité de 100 à 200 photos, estime le créateur. Un logiciel s’occupe par la suite de faire les calculs pour former une image en 3D de l’objet, utilisable dans un monde virtuel. Il les anime par la suite de la vieille façon, avec un débit de 12 images par seconde, ce qui crée l’effet d’arrêt sur image.

Aujourd’hui, on n'aurait pas à se donner autant de mal. On peut brancher directement la caméra dans l’ordinateur, un moteur automatise le changement d’angle à cinq degrés. Tu pèses une fois et tu vas faire autre chose, admet-il. Mais je n’ai pas 250 caméras, ni le budget d’Ubisoft, dit-il en haussant les épaules.

Once a Tale : l’artisanat pour subsister

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le choix de faire de Once a Tale un jeu avec un effet en arrêt sur images (stop motion) ne faisait pas partie des premières esquisses, imaginées il y a près de 10 ans. À l’époque, Vincent Presseau travaillait encore pour de grands studios, tels Eidos et Ubisoft, à Montréal.

Cette méthode artisanale s’est imposée plus tard dans le processus créatif : Je me disais qu’en tant que développeur, et comme j’avais de l’expérience en animation, le stop motion et la photogrammétrie faisaient en sorte que le jeu, j’étais capable de le faire à moi seul.

Un homme barbu portant une casquette et des lunettes prend la pose.

« Once a Tale » est le fruit d’un travail mené pendant environ 10 ans par Vincent Presseau et son petit studio de Châteauguay, en partenariat depuis quelques années avec Triple Boris, ce studio de Varennes cofondé par Karl Tremblay, le défunt chanteur des Cowboys Fringants.

Photo : Radio-Canada / Denis Wong

Même si l’arrêt sur image n’était pas son premier choix, Vincent Presseau y a pris goût rapidement. J’ai toujours été un patenteux, affirme-t-il, se remémorant ses années à jouer avec ses propres figurines au jeu de rôle Donjons et Dragons.

Entre suivre des tutoriels en ligne, s’improviser des séances de magasinage et fouiller son bac de récupération afin de dénicher les meilleurs morceaux pour le jeu, le directeur du studio a aussi suivi des cours de fabrication de marionnettes pour apprendre à réaliser ses personnages – son enseignante lui a par ailleurs donné un coup de main pour fabriquer les deux enfants ainsi que le loup.

Un homme tient dans ses mains des bouts de styromousse carrés, décorés.

Vincent Presseau va même jusqu'à dire que « Once a Tale » est écolo, car beaucoup de carton et de pièces voués au bac de recyclage ou à la poubelle ont été récupérés pour le jeu.

Photo : Radio-Canada / Denis Wong

Je trouve qu’avec les jeux vidéo, maintenant, on pousse la technologie super loin. On est capable d’aller chercher beaucoup de détails, mais ça vient avec un rendu trop parfait. Je trouve qu’on perd un peu l’artisanat des choses, admet-il.

Avec l’artisanat, il n’y a pas de contrôle Z. Si tu fais une erreur, tu as deux choix : travailler avec l’erreur, ou tu mets tout ça aux vidanges et tu recommences. C’est ce qui donne beaucoup d’âme à ce qu’on fait. [...] Ce n’est pas parfait, mais on veut garder cette imperfection.

Une citation de Vincent Presseau, directeur de Carcajou Games

Il se souvient d’une fois où il travaillait sur la tête d’un personnage, tout en écoutant de la musique darksynth. J’ai dû arrêter car il avait l’air maléfique. Je l’ai détruit, je suis reparti à zéro. J’ai changé la musique pour Music from the Shire, du Seigneur des anneaux. Le personnage a vraiment été infusé de ce qui se passait, raconte-t-il, amusé.

Le clou du spectacle du jeu est sans doute la maison en pain d’épices, grandeur réelle, qu’il a construite avec de vrais biscuits, de vrais bonbons. Ça a coûté une fortune à faire. Les gens au Maxi devaient capoter quand je partais avec quatre ou cinq boîtes de biscuits à l’avoine, pour faire le toit de la maison, raconte-t-il.

Il en a encore aujourd’hui le cœur gros de raconter cette anecdote, puisqu’il a dû jeter la maison il y a quelques années, après des mois passés au rancart. La glace royale était craquée et les biscuits commençaient à sécher et à sentir la vieille huile rancie, souligne-t-il, déçu.

Après tout, ces moments passés à créer ces œuvres sont devenus thérapeutiques pour Vincent Presseau.

Quand tu es en train de faire ça, tu n’es pas devant un écran. Il y a quelque chose de très zen à être assis, à écouter de la musique, et faire de l’artisanat. Il faut que tu sois dans le moment présent. Tu ne peux pas avoir ton Facebook ouvert. Si tu es distrait, tu peux te faire mal avec ton exacto. Et c’est arrivé!, s’esclaffe-t-il.

[L’artisanat] m'a aidé à passer à travers le processus [de création du jeu vidéo]. C’était même des moments qui étaient attendus.

Une citation de Vincent Presseau, directeur de Carcajou Games

La famille derrière lui

Des moments difficiles, Vincent Presseau en a eu son lot ces dernières années. Je ne veux pas que les gens pensent que ça a été facile. J’ai fait beaucoup de sacrifices pour en arriver là. Des sacrifices auprès de ma famille et de mes proches, insiste-t-il, affirmant avoir réalisé Once a Tale quasi bénévolement, avec un budget sous le million de dollars et en ne comptant pas ses heures.

C’est à ma femme que vous devriez parler. C’est elle qui sait mieux que quiconque ce à travers quoi j’ai passé ces dernières années.

Une citation de Vincent Presseau, directeur de Carcajou Games

Mais tout au long de son processus créatif, il n’avait qu’une chose en tête : sa famille.

Ses années à travailler sur la série qui a contribué à mettre Montréal sur la carte mondiale des jeux vidéo, Assassin’s Creed, l’ont rendu fier, mais il a toujours regretté de ne pas pouvoir montrer son travail à ses enfants.

J'ai quatre enfants. Je trouvais ça un peu poche de leur dire : "Papa est super cool, il travaille dans l’industrie du jeu vidéo, mais on ne peut pas jouer aux jeux que papa fait [car ils sont trop violents]", raconte-t-il.

Avec Once a Tale, un jeu d’exploration pour toute la famille, Vincent Presseau est à l’antipode des titres sur lesquels il a travaillé dans les grands studios. On y incarne à la fois Hansel et Gretel, mais très vite, on rencontre d’autres personnages d’autres contes de fées, et ça ouvre sur l’univers du conte en général, décrit-il, ajoutant que tout a été pensé pour que ce soit aussi plaisant à jouer qu’à regarder.

Même si ses enfants ont vieilli depuis, il se réjouit pour la prochaine génération de parents, qui pourront compter sur un jeu comme Once a Tale pour divertir leurs tout-petits. Certains dessins de ses enfants se trouvent aussi dans le jeu.

Se décrivant comme un ultracréatif, Vincent Presseau a plus d’un tour restant dans son sac après Once a Tale, avec une poignée de projets en discussions avec des éditeurs. Il ne manque pas d’idées pour une suite éventuelle du jeu non plus, qui pourrait aborder des contes locaux, comme celui de la Chasse-Galerie, par exemple.

On a un folklore très riche qu’on a complètement oublié. Une chance qu’on a des gens comme Bryan Perro pour nous le rappeler, souligne-t-il, faisant référence à l’ouvrage Créatures fantastiques du Québec de cet auteur, un livre recueillant plusieurs légendes issues de l’imaginaire québécois.

À la question de savoir si la suite serait aussi artisanale, il répond qu’il aimerait bien. Mais tout est une question de budget. En attendant de trancher la question, il continue de bricoler, cette fois avec ses enfants, qui ont eu envie de faire comme papa.

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