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L’Union européenne à la COP28 : les efforts d’un « bon élève » jugés insuffisants

Des drapeaux de l'Union européenne flottent à Bruxelles, en Belgique.

Des drapeaux de l'Union européenne flottent à Bruxelles, en Belgique.

Photo : Getty Images

L'Union européenne a beau avoir fait progresser son plan climat en 2023, la position que sa délégation défendra à la COP28 n’est pas jugée suffisamment forte pour s’assurer de limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius, selon des organisations de défense de l’environnement.

Approuvée par le Conseil de l'Union européenne, la position de négociation de l'UE à la COP28 sur les changements climatiques comprend un appel à relever le niveau d'ambition de sorte que l'objectif de 1,5 °C, fixé par l'Accord de Paris, demeure « à notre portée ». Les 27 États membres entendent insister sur le fait que les plans déployés par les pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) sont insuffisants.

L'Union européenne n'échappe pas à ce constat, fait remarquer Colin Roche, coordonnateur en matière d'énergie et de justice climatique chez Friends of the Earth Europe.

Au cours de la dernière année, l'UE a amendé et adopté plusieurs éléments législatifs de son Pacte vert, dont un paquet de propositions réunies sous le nom de « Fit for 55 » en l'honneur de la cible à l'horizon 2030, qui vise à réduire les émissions de GES de 55 % par rapport aux niveaux de 1990. Cet objectif, établi à l'été 2021, est inscrit dans la Loi européenne sur le climat.

Si l'Union européenne a pu progresser et mettre en place des politiques juridiquement contraignantes au cours des 12 derniers mois, le résultat reste toutefois en deçà des efforts qui doivent être déployés pour éviter de dépasser le seuil critique de 1,5 °C, selon Colin Roche.

COP28 : sommet sur le climat à Dubaï

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Dubaï au crépuscule.

Ça ne permettra pas à l'Europe d'assumer sa juste part de l'action climatique, dit-il, en soulignant que les changements climatiques affectent de plus en plus les populations de l'UE. Oui, nous avançons, mais ça ne va pas assez vite.

Du même avis, Silvia Pastorelli, responsable des campagnes climat et énergie au sein de Greenpeace EU, estime que les engagements dont l'UE fera la promotion à Dubaï, au cours de la COP28, demeurent insuffisants. Nous avons une loi sur le climat qui fixe des objectifs de réduction de GES et de neutralité carbone [pour 2050], mais la science nous montre que ces objectifs ne sont pas conformes à ce qui doit être accompli pour respecter l'Accord de Paris et limiter l'augmentation de la température.

Pourtant « parmi les meilleurs »

Au nombre des mesures du paquet « Fit for 55 » adoptées cette année, l'Union européenne a révisé son système d'échange de quotas d'émissions, un pilier de son plan climatique qui vient limiter le volume de GES qui sont notamment émis par les secteurs industriels énergivores.

En vertu de sa réforme, les émissions issues du chauffage des bâtiments et du transport routier seront désormais soumises à un marché du carbone.

L'UE s'est aussi engagée à tripler la capacité de production d'énergie à partir de sources renouvelables et à doubler le taux d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici 2030.

Si l'ensemble des mesures du « Fit for 55 » sont adoptées et mises en œuvre dans les 27 pays membres, l'Union européenne pourrait même dépasser son objectif de 2030, selon le récent rapport Emissions Gap Report 2023 (Nouvelle fenêtre) du Programme des Nations unies pour l'environnement.

Toutes ces politiques permettent d'arriver à un plus haut niveau d'ambition, note pour sa part Tom Delreux, expert en politiques environnementales de l'UE et professeur de sciences politiques à l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Aucune de ces politiques adoptées cette année ne vient affaiblir le cadre réglementaire, ajoute-t-il.

Si l'on compare l'Union européenne au reste du monde, elle est l’un des joueurs qui ont le cadre réglementaire le plus ambitieux en matière de climat, souligne M. Delreux. Entre 1990 et 2021, les émissions de GES dans les 27 États ont diminué de 30 %.

L'Union européenne fait partie des meilleurs élèves, mais même être parmi les meilleurs élèves n’est pas suffisamment ambitieux pour faire en sorte que les objectifs [...] de l’Accord de Paris soient réalisés.

Une citation de Tom Delreux, professeur de sciences politiques à l’UC de Louvain

Vers une sortie de tous les combustibles fossiles

À Dubaï, l'UE plaidera en faveur de l'élimination progressive des combustibles fossiles sans dispositif d'atténuation (« unabated ») et pour l'atteinte d'un pic de leur consommation au cours de cette décennie.

À l'issue de la COP27, qui avait lieu à Charm el-Cheikh, en Égypte, la déclaration finale ne comprenait pas de mention explicite pour la sortie de tous les combustibles fossiles. On y mentionnait plutôt l'importance d'accélérer les efforts pour réduire progressivement la production d'électricité à partir de charbon.

Selon Colin Roche, l'Europe a déjà fait un bon bout de chemin pour délaisser le charbon et doit désormais se doter d'un plan de match pour le pétrole et le gaz. Sans quoi on se retrouvera face à un vide dont l'industrie se servira volontiers comme d'une permission pour continuer à creuser des puits et à polluer, estime-t-il.

Nous voulons que l'UE fixe une date butoir pour la sortie des combustibles fossiles. Il faudra qu'elle cesse d'y avoir recours bien avant 2050 et bien avant les pays en développement, en raison de notre responsabilité historique dans les changements climatiques.

Une citation de Colin Roche, coordonnateur en matière d'énergie et de justice climatique, Friends of the Earth Europe

Dans son rapport, le Programme des Nations unies pour l'environnement relève que la hausse des investissements dans les infrastructures de gaz et le passage temporaire du gaz au charbon constituent une menace pour l'ambition climatique de l'Union européenne.

Ça ne veut pas dire qu'on exige une solution pour demain, mais il serait nécessaire d'avoir une feuille de route afin d'assurer une transition rapide et équitable, affirme Silvia Pastorelli.

L'insécurité énergétique, qui s'est hissée au sommet des préoccupations en 2022 dans la foulée de l'invasion russe de l'Ukraine, a donné au gaz une nouvelle vie au lieu d'entraîner son abandon, ajoute-t-elle.

Vue aérienne de l'aciérie Salzgitter AG.

L'aciérie Salzgitter AG, l'un des plus grands producteurs d'acier de l'Europe

Photo : Getty Images / Sean Gallup

La crise a tout de même donné une impulsion au sein de l'UE pour que les États membres adoptent des politiques en phase avec les objectifs du Pacte vert, nuance de son côté Matthias Duwe, directeur climat de l'Ecologic Institute, un groupe de réflexion basé à Berlin, en Allemagne. Il cite en exemple le plan REPowerEU, adopté en mai 2022, qui vise à affranchir l'UE de sa dépendance aux combustibles fossiles russes.

En réponse à cette crise, la combustion du charbon a néanmoins augmenté et de nouvelles infrastructures, comme des terminaux de gaz naturel liquéfié, ont été financées, convient M. Duwe. Le risque, dit-il, c'est qu'une partie de l'argent ne soit plus disponible pour les technologies propres si on l'investit dans des infrastructures de combustibles fossiles.

S'il était mieux investi, renchérit Mme Pastorelli, cet argent pourrait servir à régler les problèmes de précarité énergétique qui touchent près de 10 % des citoyens de l'Union européenne. Environ 42 millions de personnes n'ont pas pu chauffer convenablement leur maison en 2022, selon des données du Comité économique et social européen, organe consultatif de l'UE.

Ce n'est pas juste une question de climat et d'efficacité énergétique; c'est irresponsable à l'égard des citoyens [de l'UE], lance Silvia Pastorelli. Au lieu de financer le recours aux énergies fossiles, ces sommes devraient permettre la mise en œuvre de solutions qui ont fait leurs preuves, comme les rénovations écoénergétiques et l'installation de thermopompes.

Résistance face aux politiques climatiques

À l'échelle des États membres de l'UE, certains pays se sont heurtés à la résistance manifestée par des élus ou des citoyens à l'égard des politiques climatiques.

C'est le cas de l'Allemagne, où un projet de loi pour interdire tous les systèmes de chauffage alimentés aux combustibles fossiles a suscité la grogne pendant des mois. Sous la pression des libéraux du FDP, membres de la coalition gouvernementale, le texte a été édulcoré avant d'être finalement adopté, en septembre dernier.

Ces remous ne se sont toutefois pas traduits par un affaiblissement de la position défendue par l'Union européenne, selon M. Duwe. La délégation européenne peut selon lui se présenter à la COP28 la tête haute.

Ce clivage entre les pays les plus progressistes, comme le Danemark, et les pays plus conservateurs, comme la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque, sur les dossiers climatiques ne date pas d'hier, renchérit Tom Delreux.

Ces différences, fait-il remarquer, ne compromettent pas la capacité de l'UE à trouver des terrains d'entente entre les États.

La position de l'UE à la COP28 sur la sortie des énergies fossiles est à l'image de ces compromis, selon M. Delreux. L'abandon des combustibles fossiles « sans dispositif d'atténuation » est une position à mi-chemin entre ceux qui souhaitent réaliser la transition énergétique et ceux qui veulent y mettre un frein, dit-il en substance.

C'est ce qu'on appelle de "l'ambiguïté constructive", qui permet tout de même de progresser, explique-t-il. C'est très typique de l'UE.

Avec 27 États à rallier autour de positions communes, il est inévitable que la vitesse de croisière diffère d'un pays à un autre, reconnaît pour sa part Colin Roche. Malgré certains pays plus réfractaires, la nécessité de lutter contre les changements climatiques fait, selon lui, consensus parmi les Européens.

Malgré tout, ça ne suffit pas. Le niveau d'ambition n'est pas au rendez-vous. Et c'est là le constat [le plus désolant] : même lorsqu'on voit un effort pour aller de l'avant, ce n'est pas assez.

Une citation de Colin Roche, coordonnateur en matière d'énergie et de justice climatique, Friends of the Earth Europe

Préserver son image de leader du climat

Après une année marquée par les vagues de chaleur extrême et les feux de forêt, l'Union européenne devra trouver une façon de conserver son image de leader du climat face à la communauté internationale réunie à Dubaï, selon Silvia Pastorelli.

Wopke Hoekstra assis à une table où se trouve un micro avant une audience de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire.

L'ancien ministre des Finances des Pays-Bas, Wopke Hoekstra, participera à la COP28 de Dubaï en tant que commissaire européen au climat pour la première fois.

Photo : afp via getty images / FREDERICK FLORIN

C'est le défi qui incombera notamment au nouveau commissaire à l'environnement, l'ancien ministre des Finances des Pays-Bas Wopke Hoekstra. Les antécédents de cet ancien de Shell et de McKinsey démontrent toutefois qu'il ne s'est jamais vraiment préoccupé de la question climatique, soutient Mme Pastorelli. Ce sera donc un test.

Si l'Union européenne veut être un leader au cours de ces négociations, elle doit voir cette COP comme l'une des dernières occasions d'agir pour limiter l'augmentation des températures à 1,5 °C, insiste-t-elle. La crise n'est ni ailleurs ni dans le futur : elle est ici et maintenant.

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